Brève – Nouvelle charte de l’investissement au Maroc

Dans un contexte national et international touché par une crise inflationniste mondiale, le Maroc a pris l’initiative tant attendue par les acteurs économiques de se doter d’une « nouvelle charte compétitive de l’investissement »[1] (la « Charte ») dans le but de favoriser l’économie du Royaume. Ainsi, plus de 26 ans après l’adoption de la loi cadre n° 18-95 formant charte de l’investissement, cette nouvelle charte voit enfin le jour, à travers l’adoption de la Loi-cadre n°03-22 formant la charte de l’investissement (la « Loi 3-22 ») promulguée en date du 9 décembre 2022.

Objectifs de la nouvelle charte de l’investissement

La Charte a été votée en vue de développer l’attractivité des investissements au Maroc et de « l’adapter aux exigences du nouveau modèle de développement et aux profondes mutations institutionnelles, économiques, sociales, environnementales et technologiques qui s’opèrent à l’échelle nationale et internationale ».[2]

Mise en œuvre et dispositifs de soutien

C’est dans ce contexte que le projet de décret n°2.231 relatif à la mise en œuvre du dispositif de soutien principal à l’investissement et du dispositif de soutien spécifique applicable aux projets d’investissements à caractère stratégique a été approuvé par le Conseil du gouvernement le 26 janvier 2023. Cette avancée a été unanimement saluée par les acteurs économiques, satisfaits de pouvoir disposer de cette Charte, adaptée aussi bien à un investisseur national privé qu’à un investisseur public et permettant de répondre aux nouveaux enjeux économiques, sociaux, technologiques et environnementaux du Maroc.

Détails des dispositifs de soutien au Maroc

Afin de concrétiser l’applicabilité de cette Charte, ce projet de décret comprend des dispositions générales relatives aux mécanismes de soutien aux investissements et un dispositif dit spécifique destiné aux projets d’investissement à caractère stratégique[3].

S’agissant du dispositif de soutien, ce dernier prévoit trois types de primes, comprenant notamment les primes territoriales[4], communes[5]et sectorielles[6].

Conditions d’éligibilité et primes spécifiques

Selon le Conseil du gouvernement, le total cumulé des primes ne peut excéder un plafond de 30% du montant de l’investissement, et un plafond de 30 millions de dirhams[7]pour les projets d’énergie renouvelables[8]. Néanmoins, la Loi 03-22 indique que lorsqu’un projet d’investissement est réalisé dans deux ou plusieurs secteurs d’activité, l’investisseur concerné ne peut bénéficier qu’une seule fois de la prime sectorielle qui correspond au secteur d’activité dans lequel la plus grande part de son investissement total est réalisée.[9]

Au titre de ce dispositif de soutien, les primes territoriales viennent réduire les disparités entre les provinces et les préfectures du Royaume en matière d’attraction des investissements[10]. Les primes communes sont, quant à elles, octroyées selon des critères relatifs au nombre d’emplois permanents (prime de 5 à 10% du montant de l’investissement), selon l’approche de genre (3%), les métiers à haut contenu technologique ou les projets de mise à niveau (3%), le développement durable (3%) et l’intégration locale (3%).

Gouvernance de l’investissement au Maroc

Enfin, les primes sectorielles atteignent un seuil de plus de 5% du montant de l’investissement. Elles sont octroyées dans le but de « développer l’investissement dans les secteurs d’activité prioritaires » [11] tels que le transport, le tourisme et loisirs, les industries et les énergies renouvelables.

En outre, il est précisé que les investisseurs ne bénéficieront en pratique du dispositif de soutien principal que si celui-ci répond à des conditions alternatives liées au montant investi et/ou au nombre d’emplois stables crées. En effet, seuls seront éligibles au dispositif de soutien les projets :

  • dont le montant global est égal ou supérieur à 50 millions de dirhams et ayant vocation à créer un nombre d’emplois situé entre un seuil qui sera ultérieurement fixé via une décision du Chef de gouvernement et un plafond de 149 emplois,
  • créant 150 emplois stables au minimum.

Par stable, le projet de décret vise les contrats conclus pour une durée minimale de 18 mois consécutifs, les employés devant à ce titre être de nationalité marocaine et inscrits à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale.

Le second dispositif phare mis en place par la Charte est le dispositif de soutien spécifique applicable aux projets d’investissement à caractère stratégique. Ainsi, les projets d’investissement qui revêtent un caractère stratégique peuvent bénéficier d’avantages spécifiques négociés[12].

Peuvent être qualifiés de stratégiques, les projets dont le montant investi est supérieur ou égal à deux milliards de dirhams [13] et répondant à l’un des critères suivants (critères non exhaustifs) :

  • contribuer de manière effective à la sécurité hydrique, énergétique, alimentaire ou de santé au Maroc,
  • contribuer de façon significative au développement de technologies, et
  • créer un nombre significatif d’emplois.

Enfin, concernant la gouvernance de l’investissement, le projet de décret vient concrétiser la création d’une commission ministérielle présidée par le Chef de gouvernement, chargée d’approuver tout projet de convention d’investissements établi dans le cadre du dispositif de soutien principal, lorsque son montant total est égal ou supérieur à 250 millions de dirhams, et de statuer sur le caractère stratégique ou non des projets d’investissement.[14]. Dès lors, les principaux enjeux de cette commission seront d’assurer l’efficacité des dispositifs mis en place.

En conclusion, l’initiative prise par le Royaume du Maroc matérialise sa volonté de favoriser des investissements sectoriels stratégiques (dans le domaine de l’eau et des énergies notamment) devenus essentiels au regard des enjeux climatiques, environnementaux et sociaux. A l’effet de compléter cette initiative et de renforcer l’attractivité du Royaume en matière d’investissement, des réformes parallèles devront toutefois être mises en place, notamment en matière d’accès au financement et au foncier.

Sources :

[1] Selon le discours de Sa Majesté le Roi MOHAMMED VI, que Dieu l’assiste, adressé au Parlement, à l’occasion de l’ouverture de la 1ère session de la 1ère année législative de la onzième législature.

[2] Loi 03-22, Préambule.

[3] Ibid, Article 8 de la Loi 03-22.

[4] Ibid, Article 8,

[5] Ibid, Article 8,

[6] Ibid Article 8,

[7] 2948246.42 USD,

[8] Ibid, Article 16,

[9] Ibid, Article 14,

[10] Ibid, Article 13,

[11] Ibid, Article 14,

[12] Ibid, Article 17,

[13] 196,607,245.85 USD,

[14] Ibid, Article 34.