Le Code Panafricain d’Investissements : une évolution majeure vers une gouvernance équilibrée des investissements

Avril 2024Le Code Panafricain d’Investissements (CPI), adopté en 2016 sous l’égide de l’Union Africaine, constitue une avancée significative dans la régulation des investissements étrangers sur le continent africain. Ce texte ambitieux vise à répondre aux insuffisances des traités bilatéraux d’investissement (TBI) précédents, souvent critiqués pour leur déséquilibre en faveur des investisseurs au détriment des intérêts étatiques et des objectifs de développement durable.

Le CPI innove en proposant une définition précise et restrictive de la notion d’investissement (articles 3 et 4). Cette définition conditionne la protection juridique à un impact économique tangible et durable, excluant explicitement les investissements spéculatifs sans bénéfice réel pour les économies locales. Cette approche permet de mieux cibler les investissements bénéfiques, tout en réduisant les risques associés aux opérations purement financières.

Un autre apport majeur du CPI réside dans la reconnaissance claire du droit souverain des États à réguler les investissements pour des motifs légitimes d’intérêt public (article 6). Ce droit englobe des domaines sensibles tels que la santé publique, la sécurité nationale, la préservation environnementale et la stabilité financière, assurant ainsi aux États une protection accrue contre les éventuels recours abusifs des investisseurs.

En parallèle, le CPI impose des obligations spécifiques aux investisseurs, en particulier en matière de transparence financière, de respect strict des normes environnementales et sociales internationales, et de lutte active contre la corruption (article 8). Ces obligations visent à responsabiliser davantage les investisseurs et à encourager l’adoption de pratiques alignées sur les standards internationaux de gouvernance responsable.

Le CPI modifie également l’approche traditionnelle du règlement des différends (article 18), privilégiant désormais les mécanismes locaux et régionaux ainsi que la médiation amiable. Cette approche entend renforcer l’autonomie judiciaire africaine et limiter les coûts et les contraintes procédurales associées à l’arbitrage international privé systématique.

Au-delà de son contenu normatif, le CPI reflète aussi une ambition institutionnelle plus large : celle de construire une gouvernance panafricaine cohérente de l’investissement, où les États peuvent mieux se coordonner dans leurs politiques économiques. Il témoigne d’un changement de paradigme, passant d’une logique de libéralisation à une logique de régulation stratégique au service du développement.

Plusieurs organisations régionales, telles que la CEDEAO ou la SADC, s’en sont inspirées pour réformer leur propre cadre réglementaire. Par exemple, les réformes du Code des investissements du Sénégal ou de la Côte d’Ivoire reprennent partiellement les standards définis dans le CPI, illustrant son influence croissante sur le droit économique africain.

Bien que dépourvu de force juridique contraignante, le CPI s’impose aujourd’hui comme une référence structurante pour de nombreuses initiatives continentales, à commencer par le Protocole sur l’Investissement de la ZLECAf. Il continue d’orienter les réflexions sur l’articulation entre sécurité juridique, responsabilité des acteurs économiques et souveraineté des politiques publiques africaines.

Carte de l'Afrique illustrant les flux d'investissements panafricains