L’arrêt de la Cour Internationale de Justice en date du 12 octobre 2021 relatif à la délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya)

Novembre 2021 – Mardi 12 octobre 2021, la Cour Internationale de Justice de La Haye a rendu un arrêt attendu dans l’affaire opposant la République Fédérale de Somalie à la République du Kenya dans le cadre de la délimitation de leurs espaces maritimes respectifs.

En cause, une zone maritime de quelques 100 000 km², riche en ressources alimentaires et possiblement en hydrocarbures, revendiquée par les deux états limitrophes.

En l’espèce, la Somalie considérait que la zone maritime contestée lui revenait et devait être délimitée par une frontière maritime à définir, dans le prolongement de la frontière terrestre kényane, en direction du sud-est. Le Kenya estimait quant à lui que cette frontière maritime existait déjà, avait été acceptée par la Somalie et devait être tracée horizontalement vers l’est de ses côtes.

Devant l’échec d’un accord sur la question et la persistance du différend opposant les deux Etats, la Somalie a introduit une requête introductive d’instance devant la Cour Internationale de Justice en 2014 aux fins de trancher cette question. Le Kenya, de son côté a répondu en soutenant l’incompétence de la Cour.

Un premier arrêt intervenu le 2 février 2017 a donc été rendu par la Cour, lequel retenait sa compétence pour entendre l’affaire. Les débats ont pu se tenir et un arrêt être rendu, bien que le Kenya ait refusé de participer aux audiences.

Dans son arrêt de 2021, la Cour s’intéresse en premier lieu à l’existence d’une frontière maritime qui aurait déjà été reconnue par les Etats et conclut en constatant l’absence « d’éléments de preuve convaincants montrant que la Somalie a acquiescé à la frontière maritime revendiquée par le Kenya et que, partant, il n’existe pas de frontière convenue entre les Parties longeant le parallèle ».

Ayant conclu à l’absence de frontière maritime préexistante entre les deux Etats, contrairement à ce qu’affirmait le Kenya, la CIJ s’attache ensuite à identifier cette nouvelle frontière maritime. Pour ce faire, elle s’appuie notamment sur les principes dégagés par la Convention des Nations Unies sur le Droit Maritime de 1973 et distingue mer territoriale (zone de 12 miles marins sur laquelle s’exerce la souveraineté de l’état côtier) et zone économique exclusive (zone s’étendant jusqu’à 200 miles marins et sur laquelle l’Etat exerce ses droits souverains et économiques).

Concernant l’identification de la mer territoriale de chaque Etat, la Cour s’appuie sur l’article 15 de la Convention de 1973 lequel prévoit le recours à « une ligne médiane pour la mer territoriale, sauf accord contraire fondé sur une prétention à un titre historique ou des circonstances spéciales ». Fort de son appréciation souveraine et prenant en compte certaines contraintes géographiques, la Cour trace alors la frontière délimitant les eaux territoriales de la Somalie et du Kenya.

Concernant la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental, la Cour s’appuie sur les articles 74 et 83 de la Convention de 1973 pour décider qu’en l’absence d’accord entre les états parties, il lui revenait de trancher le litige. Ce faisant, elle expose sa méthode de délimitation maritime, laquelle « repose sur des critères géographiques objectifs, tout en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes ayant une incidence sur le caractère équitable de la frontière maritime ».

Grâce à cette méthode, la Cour établit une frontière maritime entre le Kenya et la Somalie en utilisant une ligne d’équidistance entre les deux Etats, délimitant la zone économique exclusive et le plateau continental de chacun, au large bénéfice de la Somalie.

Considérant dès lors que l’effet d’amputation potentiel de cette frontière pour le Kenya « demeure suffisamment grave pour justifier un certain ajustement afin de remédier à l’important réduction des droits potentiels du Kenya », la Cour corrige le tracé de cette délimitation dans la suite de son développement, en laissant au Kenya une partie de la zone disputée.

La Cour conclut finalement en jugeant que le Kenya, qui avait autorisé des activités de forage dans la zone, « n’a pas manqué à ses obligations internationales en raison des activités maritimes auxquelles il s’est livré dans la zone litigieuse » contrairement à ce qu’affirmait la Somalie.

C’est donc une décision favorable à la Somalie qu’a rendu la Cour de Justice Internationale, laquelle se voit attribuer l’essentiel de la zone maritime contestée. Les juges se sont cependant attachés à ménager l’équité et les conséquences néfastes pour le Kenya en lui octroyant une partie de cette zone.

Alors que le Président somalien a salué la décision de la Cour Internationale de Justice, le gouvernement kenyan a quant à lui fait savoir via un communiqué de son Ministère des Affaires Etrangères qu’il contestait cette décision, un mois après avoir annoncé à l’ONU ne plus reconnaitre la juridiction de la Cour Internationale de Justice.

Références :

Rédigé par Ali Bougrine et Victor Arnould.