Parité au sein des organes d’administration et de surveillance des sociétés cotées au Maroc : ça commence maintenant !

Le 1er février 2024 – La parité dans les organes de direction et de surveillance tend à s’intégrer de plus en plus dans le paysage juridique mondial.

La France a en effet inclus une obligation de parité dans les conseils d’administration (les « CA ») et de surveillance (les « CS ») en 2011[1]. L’Union Européenne a également prévu une obligation similaire pour les sociétés cotées en 2022[2].

Le Maroc n’est pas en reste, à travers l’adoption de la loi n°19-20 (la « Loi 19-20 ») modifiant et complétant la loi n°17-95 (la « Loi 17-95 ») relative aux sociétés anonymes, publiée le 19 août 2021, et mettant en place les premières obligations de parité au sein des CA et CS.

La Loi 19-20 a notamment introduit une obligation pour les sociétés anonymes cotées, au titre de laquelle la proportion des membres des CA ou CS de chaque sexe ne peut être inférieure à 40% (la « Règle de Proportion »). De plus, lorsque le CA ou CS est composé au plus de huit (8) membres, l’écart entre le nombre des membres de chaque sexe ne peut être supérieur à deux (la « Règle d’Ecart »).

En outre, la Loi 19-20 prévoit, en ce qui concerne (i) les comités constitués par les CA en leur sein, (ii) les comités des investissements et les comités des traitements et rémunérations constitués entre eux par les administrateurs non-exécutifs, et (iii) les comités d’audit (ensemble, les « Comités »), que ceux-ci doivent comprendre au moins un représentant de chaque sexe.

Ces seuils ne se sont pas appliqués dès la promulgation de la Loi 19-20, laquelle prévoit une application par paliers successifs :

  • au 1er janvier de la 3ème  année suivant la publication de la Loi 19-20 au Bulletin Officiel (soit le 1er janvier 2024), la proportion des membres du CA ou du CS ne doit pas être inférieure à 30% dans les sociétés faisant appel public à l’épargne et les Comités doivent comprendre au moins un représentant de chaque sexe à l’issue de la première assemblée générale ordinaire qui suit cette date ; et
  • à compter du 1er janvier de la 6ème  année suivant la publication de la Loi 19-20 au Bulletin Officiel (soit le 1er janvier 2027), les sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne seront tenues de respecter une proportion de 40% de chaque sexe au sein du CA ou du CS à l’issue de la première assemblée générale ordinaire qui suit cette date.

Ainsi, à l’issue de la première assemblée générale suivant le 1er janvier 2024, la proportion des membres du CA ou du CS ne doit pas être inférieure à 30% dans les sociétés faisant appel public à l’épargne et les Comités doivent comprendre au moins un représentant de chaque sexe à l’issue de la première assemblée générale ordinaire qui suit cette date.

Cette année, se dérouleront donc les premiers exercices sociaux marqués par des obligations de parité auxquelles devront se conformer les sociétés cotées marocaines.

La Loi 17-95 telle que modifiée par la Loi 19-20 prévoit plusieurs sanctions.

En premier lieu, il s’agit de la nullité de toute décision de nomination d’un nouveau membre personne physique ou représentant permanent d’une personne morale membre du CA ou du CS. Il convient à ce titre de distinguer :

  • la nullité de la nomination d’un membre personne physique ;
  • la nullité de la désignation du représentant permanent d’un membre personne morale ; et
  • la nullité des décisions auxquelles a participé une personne physique ou un représentant permanent d’une personne morale dont la nomination est nulle.

En effet, si la Loi 17-95 exclut la nullité des décisions auxquelles a participé un représentant permanent dont la nomination est entachée de nullité, elle n’exclut pas expressément la nullité des délibérations prises par les membres du CA ou CS, personnes physiques, irrégulièrement nommés.

Dans ce contexte, l’on pourrait considérer, sur la base d’une interprétation restrictive, que :

  • la désignation non conforme du représentant permanent de la personne morale n’entraine pas la nullité de la décision du CA ou CS à laquelle ce dernier a pris part ; et
  • la décision du CA ou CS à laquelle a participé un membre personne physique dont la nomination est nulle, peut être entachée de nullité.

En deuxième lieu, l’article 105-5 de la Loi n°17-95 prévoit que, tant que la composition du CA ou CS ne respecte pas les dispositions des articles 105-1 et suivants (notamment la Règle de Proportion et la Règle d’Ecart), les membres concernés ne pourront percevoir aucune rémunération au titre des jetons de présence.

En dernier lieu, il pourrait exister un risque réputationnel pour la société dont la composition du CA ou CS ne respecterait pas la Règle de Proportion et/ou la Règle d’Ecart aux échéances légales. En effet, l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux (l’AMMC), usant de son pouvoir de contrôle, pourrait décider d’émettre une recommandation ou un avis relatif à la Règle de Proportion et/ou à la Règle d’Ecart et qui serait rendu public.

Ainsi, la parité au sein des organes d’administration et de surveillance des sociétés cotées est non seulement imposée par le droit marocain mais également assortie d’une réelle effectivité en raison des conséquences juridiques qui y sont attachées.

Rédigé par Ali Bougrine et Rim Tazi.


[1] Loi n°2011-103 du 27 janvier 2011.
[2] Directive n°2022/2381 du 23 novembre 2022.