Novembre 2021 – Le 8 octobre dernier, à l’occasion du sommet Afrique-France, le Président français Emmanuel Macron a annoncé la restitution, prévue pour fin octobre, de dizaines d’œuvres d’art d’origine africaine à leurs pays d’origine. Parmi elles notamment, 26 œuvres béninoise et le Djidji Ayokwe, le tambour historique des Ebriés, peuple du Sud de la Côte-d’Ivoire. Utilisé pour transmettre des messages entre villages lors de l’occupation coloniale du pays, il a été confisqué par la France en 1916.
La restitution du Djidji Ayokwe, saluée par les représentants Ebriés, n’est pas un fait isolé mais suit le mouvement de restitution des œuvres d’art africaines, initié par les anciennes puissances coloniales depuis des années.
Cette restitution, annoncée au sommet Afrique-France d’octobre 2021 tient ses origines dans le discours du Président Macron prononcé le 28 novembre 2017 à Ouagadougou, lequel a constitué une étape marquante dans la restitution des objets d’art africain par la France puisque le chef d’Etat français a officiellement pris position pour le retour du patrimoine africain sur ses terres.
L’adoption de la Convention de l’Unesco de 1970 sur les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transport illicites de la propriété de biens culturels a pourtant déjà tenté de répondre à cette problématique en reconnaissant la notion de « bien culturel ». Elle met en place des mesures préventives afin d’assurer la protection de ces biens (sécurisation des biens culturels, agrément des négociants, imposition de sanctions pénales..), des dispositions en matière de restitution des biens culturels volés ou perdus (les Etats signataires s’engagent à « prendre des mesures appropriées pour saisir et restituer tout bien culturel volé et importé après l’entrée en vigueur de la convention » ou encore à « admettre une action en revendication de biens culturels perdus ou volés exercée par le propriétaire légitime en son nom ») et vise à renforcer la coopération internationale en la matière.
Cette convention ne s’applique cependant qu’aux Etats et non directement aux particuliers. Ses effets ont donc été limités à un triple égard : les objets culturels détenus par des particuliers échappent à son application, les objets culturels dont la preuve de leur perte ou de leur vol ne pouvait être rapportée échappent également à son application et les objets importés avant l’entrée en vigueur de la convention aussi. Dans les faits, la convention de 1970 a donc été suivie de peu d’effets.
Dès lors, la restitution des objets culturels africains repose essentiellement sur le bon vouloir des Etats qui doivent adopter une législation pour fixer le cadre juridique de ces restitutions. La Convention Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés adoptée le 24 juin 1995 proposait justement ce cadre légal en formulant des règles à adopter en matière de restitution et de retour de biens culturels. Cette convention n’est, par exemple, jamais entrée en vigueur en France.
La question de la restitution reste débattue au sein des états occidentaux et la volonté politique semble manquer pour arriver à de réels progrès en la matière. Pour contester ces restitutions en droit, d’aucun argue de l’inaliénabilité des collections publiques, d’autres de la possession de bonne foi des collectionneurs et musées, d’autres encore de la possession acquisitive.
La restitution des œuvres d’arts africaines se heurte donc à un cadre juridique imparfait ainsi qu’à des débats d’ordre juridique au sein des Etats. En l’état, la volonté politique et l’opinion publique semblent les meilleurs alliés des défenseurs de la restitution des objets culturels africains.
La restitution du tambour Ebrié marque donc une étape de plus sur un chemin qui reste long à parcourir.
Sources :
- Convention de l’Unesco sur les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transport illicites de la propriété de biens culturels en date du 14 novembre 1970
- Convention Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés du 24 juin 1995
- E. Pierrat – Faut-il rendre des œuvres d’art à l’Afrique ? Editions Gallimard – 2019
Rédigé par Ali Bougrine et Victor Arnould.